L'art du recadrage

Publié le par Christelle

cadres.jpgTiens, un thriller. C'est pas si souvent.

 

J'ai lu pas mal de livres récents ces dernières semaines (Ouragan de Gaudé, Où j'ai laissé mon âme de Jérôme Ferrari, très bien chacun dans leur genre, mais qui ne m'ont pas motivée suffisamment pour que je leur consacre un article), et puis vlan, je choisis quasiment au hasard celui-là sur le rayonnage de ma bibliothèque de village fétiche...

 

... et je l'ai lu d'une traite hier. Impossible d'en décoller.

 

J'adore ça.

 

Un bon thriller français, bien ficelé, bien écrit, un peu social, un peu politique, sans gaspillage d'hémoglobine ni scènes psychopathiques délirantes, c'est rare. En voici un.

 

Le bouquin se découpe en trois parties : "avant", "pendant", "après". Avant, c'est avant la fausse prise d'otage mise en scène par le patron d'une très grosse entreprise pour tester ses meilleurs cadres afin de savoir auquel il confiera la délicate mission d'exécuter sans états d'âme un plan social qui devra laisser plusieurs centaines de salariés sur le carreau. Le patron a fait appel à une boîte de consulting pour organiser la supercherie et par la même occasion recruter un DRH. En effet, ce sont les candidats au poste de DRH qui devront tester les cadres et le meilleur aura le poste. C'est tordu, mais crédible. Parmi les postulants, Alain, ex cadre sup au chômage depuis quatre ans, concourt dans la catégorie senior. Il accumule les petits jobs sous-payés pour boucler des fins de mois toujours plus maigres, il est fatigué et humilié, son couple tient encore par miracle, bref, il est quasiment au bout du rouleau. Et quand il apprend qu'il est sélectionné dans le quarté final pour ce poste, il se sent prêt à tout...

 

La dérive inéluctable d'un homme face au cynisme du système, les petits courages et les grandes lâchetés, les principes de management et de déshumanisation, le fric, autant d'ingrédients très efficaces pour un scénario haletant. Tout est dosé au poil, taillé au millimètre, on sent une grande maîtrise. Et le résultat est redoutable.

 

J'ai aimé particulièrement le personnage principal, qui est également le narrateur de deux parties sur les trois. Son statut est très complexe, il entre dans un jeu qui le terrifie et l'exalte en même temps. Il devient manipulateur par nécessité, mais on se demande toujours s'il n'y trouve pas finalement son compte, le moyen de renaître à ses propres yeux. Il incarne, tout en les rejetant, les principes abjects du "managing" (je ne sais pas si on dit comme ça) moderne. Presque aussi salaud que les salauds, mais est-ce vraiment pour la bonne cause ? La fin justifie-t-elle toujours les moyens ? Et quelle fin ?

 

Ce bouquin est un vrai piège. N'hésitez pas à tomber dedans. Idéal pour passer l'après-midi sous la couette si l'hiver tente un dernier come back.

 

 

Publié dans des livres et nous

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