mes auteurs préférés (3)

Publié le par Christelle

Enfin un auteur français. Et même pas mort !

Je l'ai découvert avec Les âmes grises, je ne me souviens plus vraiment dans quelles circonstances... Un conseil ? Ou peut-être ai-je vu le film avant de lire le livre ? J'ai la mémoire qui flanche. Mais ce dont je me souviens bien, c'est la claque que j'ai prise en lisant ce bouquin.

Philippe Claudel, c'est le malaise, c'est l'exploration des replis crasseux de l'âme, de la noirceur ordinaire, banale.

Avec un immense talent.

Plusieurs fois je me suis demandé ce que cet homme abritait dans sa tête pour écrire des livres aussi sombres et dépourvus de toute espérance. Pour ceux que je connais du moins.

Dans Les âmes grises, le contexte est celui de la Première guerre mondiale (finalement c'est peut-être par là que je l'ai découvert), mais elle reste à la lisière du livre ; c'est une toile de fond, une atmosphère de mort qui enrobe le livre comme une brume. Il est question d'une petite fille retrouvée morte, d'un notable pas très sain, d'un salopard et d'un homme ordinaire malheureux. Tout y est glauque, personne n'est clair, chacun réchauffe en son sein une petite puanteur, il n'y a ni innocence ni pureté sauf à travers les deux personnages féminins, mais ils meurent.

Inutile de préciser que l'écriture est parfaite, juste, précise comme au scalpel et fluide magnifiquement.

Enthousiasmée, je me suis jetée sur le suivant dès sa sortie : La petite fille de Monsieur Linh. Mais j'ai été déçue par une histoire un peu cousue de fil blanc. Je n'y ai pas trouvé la même puissance.

Qu'à cela ne tienne, j'ai trouvé au printemps dernier, peu après sa parution, Le Rapport de Brodeck à 50 cts dans une brocante. Je l'ai lu d'un souffle, j'en ai fait des cauchemars. Ce livre figure depuis dans le TOP 5 de ceux qui m'ont le plus marquée. C'est un chef d'oeuvre, à la fois fable philosophique, tragédie antique, à la dimension universelle. J'y ai retrouvé, mais amplifiée encore, la noirceur des Ames grises. Un critique a fait je crois une remarque du genre : "Dans Le Rapport de Brodeck, les âmes ne sont plus grises mais noires." C'est peut-être même pire que ça.

Brodeck, c'est un garçon plutôt brave, qui est revenu dans son village après avoir passé des années en captivité. Il aspire à retrouver une existence sans histoires, à se faire le plus discret possible. Sa femme est morte pendant son absence. Beaucoup de questions restent sans réponse. Et puis on va l'obliger, parce qu'il est un peu lettré, à rédiger un rapport sur un événement survenu au village, un événement terrible. Pour cela il devra plonger au coeur de ce microcosme qui émet, quand on en remue la fange, bien des exhalaisons putrides. Le roman est bâti comme une enquête, sur des retours en arrière qui éclairent petit à petit un tableau d'ensemble abominable. Et c'est Brodeck qui raconte et décortique le piège dans lequel il est en train de tomber.

Le roman n'est pas ancré dans une époque ni un lieu particuliers, contrairement aux Ames grises. On est peut-être en Europe de l'Est, ou en Alsace. Plusieurs allusions font penser à la Seconde guerre mondiale, la déportation. Mais dans l'ensemble le propos est assez général pour s'ancrer dans toutes les époques et tous les lieux du monde ou des horreurs à grande et moyenne échelle ont été commises, ce qui ne manque pas. C'est aussi ce qui fait pour une part la grandeur de ce roman, et qui lui permettra j'espère de traverser les siècles. Car il en la la puissance.

Et je termine avec Les petites mécaniques, recueil de nouvelles comme des bonbons amers. Ca fait mal aux dents, on salive, on déglutit, mais on continue à les croquer. Du concentré de Claudel, de l'épluchage d'âmes, petites abominations quotidiennes.

Je viens de lire J'abandonne, qui est plus ancien semble-t-il. Fort aussi, mais un peu moins abouti, c'est l'histoire d'un homme qui exerce le métier de "hyène" (il est chargé dans un hôpital de faire signer aux personnes qui viennent de perdre un proche un bon pour le don d'organes) et qui sombre face à la laideur et à la vulgarité du monde qui l'entoure. Encore un truc très gai, qui vaut le coup rien que pour la description de l'affiche d'un spectacle du "comique" Bigard, instant savoureux.

A lire sans modération (de toute façon quand on commence on est happé jusqu'au bout, on ne respire même plus), avec un truc très fort pour accompagner : un thé fumé ou du chocolat noir 99 %. C'est un minimum.

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